PERTE DE GAINS PROFESSIONNELS FUTURS ET INCIDENCE PROFESSIONNELLE

Le 18 septembre 2023

 

Par Charlotte Kamyczura

 

« Lorsque la reconstitution de ses droits à la retraite pose difficulté, l’indemnisation de la perte de ses gains futurs est évaluée de manière viagère. »

 

Telle est la position adoptée par la Cour d’Appel de RENNES dans un arrêt du 17 mai 2023 (n° 20/00311), infirmant ainsi le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de SAINT-NAZAIRE qui avait considéré que le calcul de la perte de gains professionnels futurs s’étendait seulement de la date de consolidation jusqu’à la date de départ à la retraite.

 

CA Rennes, 5e ch., 17 mai 2023, n° 20/00311.

Lire en ligne : https://www.doctrine.fr/d/CA/Rennes/2023/CAP525DC1C6D107D2B8A2CC

 

 

En l’espèce, Madame X, défendue par le Cabinet POLYTHETIS, a été victime d’un accident médical fautif en 2010 et a été déclarée inapte à toute activité professionnelle par les médecins-experts.

 

Agée de 35 ans, elle n’avait travaillé que 10 ans avant son licenciement pour inaptitude en octobre 2013 et n’avait donc cotisé à aucun régime de retraite depuis ce licenciement.

 

Il était donc impossible d’apprécier in concreto l’incidence du départ anticipé sur les points de retraite.

En conséquence, la Cour d’Appel de RENNES a retenu que la perte de droits à la retraite devait être indemnisée au titre de la perte de gains professionnels futurs, sur la base d’une capitalisation viagère.

 

Le jugement est également infirmé en ce qu’il avait débouté la victime de sa demande au titre de l’incidence professionnelle.

 

La Cour d’Appel rappelle sur ce point que même si « Ce poste de préjudice ne doit pas faire double emploi avec la perte de gains professionnels futurs. Il convient d’indemniser la situation d’anomalie sociale dans laquelle se trouve Mme X du fait de son inaptitude à reprendre un emploi quelconque. Cette exclusion du monde du travail est indemnisable au titre du principe de la réparation intégrale du préjudice de Mme X. »

 

Cette décision fait écho à une jurisprudence très fournie de la Cour de cassation qui a eu l’occasion de se prononcer à de nombreuses reprises en la matière.

La Haute Juridiction a notamment rappelé qu’au nom du principe de réparation intégrale, la perte de droits à la retraite devait être indemnisée au titre de la perte de gains professionnels futurs ou de tout autre poste.

(Cour de cassation, Chambre civile 1, 7 octobre 2020, 19-18.086, Inédit)

 

Dans un arrêt récent en date du 15 décembre 2022, elle a également statué de la manière suivante : «  qu’en retenant, pour rejeter la demande de M. [D] au titre de la perte de retraite, que « s’agissant des droits à retraite, M. [D] qui a été débouté de sa demande en première instance à défaut de donner aucune indication quant à son activité professionnelle antérieure et d’apporter le moindre élément d’évaluation de celle-ci, demeure défaillant devant la cour alors qu’il ne saurait comme il le prétend bénéficier d’une indemnisation forfaitaire de ce chef » et, par motifs adoptés, que « la perte de retraite alléguée par M. [D] apparait en l’espèce insuffisamment démontrée au regard de son parcours professionnel, de l’absence de toute simulation et des lois applicables en la matière », cependant qu’elle relevait que M. [D], âgé de 51 ans au jour de la consolidation, avait subi un retentissement professionnel en lien avec l’aggravation de l’état de santé, qu’il était incontestable que l’arrêt de son activité professionnelle était en relation avec l’aggravation de son état de santé et retenait qu’il avait subi une perte de gains professionnels, indemnisée à hauteur de 67 398,32 euros, jusqu’à l’âge de 65 ans auquel il aurait pris sa retraite si l’accident ne s’était pas produit, ce dont il résultait qu’il avait nécessairement subi une diminution de ses droits à la retraite, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres énonciations et a violé l’article 4 du code civil. »

(Cour de cassation, Chambre civile 2, 15 décembre 2022, 21-16.609)

Par un arrêt du 9 mars 2023 (n°21.19.322), la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation a considéré que « en capitalisant la perte de gains professionnels futurs sur la base d’un euro de rente temporaire, alors que la victime en avait sollicité la capitalisation viagère pour réparer la perte de ses droits à la retraite, la cour d’appel, qui n’a pas examiné ce préjudice au titre du poste incidence professionnelle, a violé le principe susvisé. »

(Cour de cassation, Chambre civile 2, 9 mars 2023, 21-19.322)