Jurisprudence – suspension des mensualités de crédits immobiliers en cas de litige de construction
L’article L-312-19 du Code de la Consommation permet au maître d’ouvrage qui a commandé des travaux et qui rencontre un problème avant leur achèvement, d’obtenir la suspension du remboursement des mensualités de crédit immobilier dues à la banque, jusqu’à la solution du litige.
L’article est rédigé de la manière suivante : « lorsqu’il est déclaré dans l’acte constatant le prêt que celui-ci est destiné à financer des ouvrages ou des travaux immobiliers au moyen d’un contrat de promotion de construction, de maîtrise d’œuvre ou d’entreprise, le tribunal peut en cas de contestation ou d’accident affectant l’exécution des contrats et jusqu’à la solution du litige, suspendre l’exécution du contrat de prêt sans préjudice du droit éventuel du prêteur à indemnisation. Ces dispositions ne sont applicables que si le prêteur est intervenu à l’instance ou s’il a été mis en cause par l’une des parties. »
Les avocats du cabinet POLYTHETIS à Saint-Nazaire, spécialisé en droit de la construction à Saint-Nazaire, réclament systématiquement cette suspension au bénéfice de leurs clients lorsqu’ils forment une demande d’expertise judiciaire. Il est en effet bien difficile de financer tout à la fois les crédits, la procédure et parfois même un relogement provisoire. La plupart du temps, la banque ne s’oppose pas à la demande, puisqu’elle conserve la possibilité de réclamer ensuite l’indemnisation de son préjudice consécutif (voir notamment ordonnance de référé du TGI de St-Nazaire du 15 mars 2016 – RG n°16/00041).
Il arrive néanmoins parfois que la banque s’y oppose, ce qui a amené le Juge des référés de Saint-Nazaire à se prononcer les conditions et modalités de suspension :
Les mensualités doivent être suspendues en capital et intérêts, seuls les primes d’assurances étant accessoires. Dans un dossier, les travaux de rénovation d’une maison ancienne à Saint-Marc-sur-Mer étaient stoppés depuis plusieurs mois, des moisissures étant apparues sur le bois de structure après traitement et alors que les travaux de placos étaient en cours. Dans son ordonnance du 5 juillet 2016 (RG n°16/00162), le Juge des référés ordonne une expertise, accorde aux maître d’ouvrage, défendus par Emmanuel Kierzkowski-Chatal, avocat spécialisé en droit de la construction du Cabinet d’Avocats Polythetis, une provision de 20.783,00 euros et ordonne la suspension des mensualités de prêts immobiliers en considérant qu’il existait une urgence justifiant cette mesure. Le juge rejette la demande de la banque qui demandait que les intérêts et cotisations d’assurances restent dues. Le cabinet d’Avocats Polythetis avait fait valoir que cela vidait le texte de son efficacité car en début de remboursement de crédit, les mensualités sont pratiquement exclusivement constituées des intérêts et de l’assurance. Le juge des référés considère que les intérêts sont nécessairement inclus dans le prêt, alors que l’assurance, facultative, en est un accessoires. Le Juge ordonne donc la suspension des mensualités en capital et intérêts, ne maintenant que le remboursement de l’assurance.
Le chantier ne doit pas avoir été réceptionné : Dans un autre dossier, une maison à ossature bois, construite à La Baule, achevée et réceptionnée, est affectée de très nombreuses malfaçons. Un expert privé ayant examiné ces problèmes à la demande des maîtres d’ouvrage considère qu’il n’est pas exclu qu’il soit nécessaire de démolir et reconstruire la maison. Les propriétaires, assistés du Cabinet d’avocats Polythetis, spécialisé en droit de la construction, saisissent le Juge des référés d’une demande d’expertise judiciaire. Ils demandent parallèlement la suspension du paiement des mensualités des prêts immobiliers. La banque s’y oppose faisant valoir qu’en raison de la réception du chantier, l’exécution des contrats avait pris fin de telle manière que l’article L-312-19 n’est pas applicable. Les propriétaires objectent que la demande est formulée durant la période de parfait achèvement et que, tant le contrat de maîtrise d’oeuvre que celui des entreprises, prévoient expressément que ces derniers sont tenus de faire en sorte d’obtenir ou de procéder à la levée des réserves. Dans son ordonnance du 5 juillet 2016 (RG n°16/00156) le Juge des référés ordonne l’expertise mais rejette la demande de suspension des crédits au motif que les réserves formulées lors de la réception n’ont pas de rapport avec les malfaçons litigieuses (ce restait toutefois, semble-t-il, à prouver dans le cadre de l’expertise ordonnée). E.Kierzkowski-Chatal